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Rīga, qui va là?
En juillet j’aurai été deux fois à l’aéroport de Riga. C’est que cette ville là a eu le parfum des retrouvailles, des vacances dans les vacances, du switch. Depuis que je suis parti c’est la première fois que je recevais de la visite des pilliers de ma vie prénomade. Pour quelques jours, le voyage prend des airs de film d’Inaritu, plusieurs histoires coïncident. Le bourlingueur solitaire redevient l’ami, le menuisier à la ferme, le frère, le fils, le cousin, faut suivre.
Et en même temps avec ceux là j’ai mes habitudes, j’ai vu l’épisode d’avant et je compte jouer dans le prochain, on connait par coeur les recettes pour se causer et rigoler. C’est un ravitaillement. La proximité de mes lointains proches fait partie des beaux endroits que j’aurai trouvé sur ma route.
Le dernier jour des vacances, quand leur bus disparait dans le lointain d’une avenue, j’entends quelque part une voix qui demande: pourquoi faut-il toujours que mes choix m’éloignent de ces gens là? Mais quand je rallume le baladographe dont je ne sais pas bien jouer en groupe, les réponses se remettent à affluer alors que je replonge vers les mystères de l’Est.
Mētriena, derrière le kolkhoze
L’épicerie la plus proche de la ferme est à Metriena, 8 kilomètres, une demi heure en vélo. Aujourd’hui le ciel affiche un gris laiteux qui n’arrange pas Metriena. Un étranger avec appareil photo n’a sans nul doute rien à faire à Metriena. Je ne vous jouerai pas le coup de l’émerveillement malgré tout devant Metriena, n’en déplaise aux lecteurs du baladographe résidant a Metriena, le village a mauvaise mine.
Si je suis allé a Metriena ce n’est pas pour l’épicerie, je voulais gouter l’exotisme du Kolkhoze abandonné qu’on m’avait décrit: les blocs décrépis sur trois niveaux déposés sur un champ sans valeur, l’usine de rouille, le parfum de l’exode, le chômage ? Je suis allé stalker du déclin rural post soviétique et c’est ce que mon appareil a trouvé, parce qu’il y en a.
Pourtant dans le jardin bien tenu d’une de ces maisons toutes identiques de Metriena il y avait une petite fête et des gens qui se foutaient du ciel. Tous les ans a Metriena on tombe amoureux, on a des enfants et la vie défie l’Histoire. Le travail du photographe c’est d’être patient, de comprendre et de capter avec justesse et responsabilité la vie dans son contexte, pas d’illustrer ses préjugés en deux heures chrono. Excuse moi Metriena.
Sur l’Isthme de Courlande
Dame nature n’est pas une femme facile. A peine envouté par le son d’une extraordinaire concentration de cormorans, je me rends compte que le sous bois est maculé de gouano quand une salve blanche atterrit à un mètre de moi. Une pluie d’excréments célestes commence à s’abattre sur moi qui suis au beau milieu du no man’s land. Je prends mes jambes à mon cou et entamme un slalom entre les cimes les plus nidifiées. Ces salops me touchent par deux fois mais ma tignasse en réchappe immaculée.
Le reste de la ballade est nettement plus bucolique. Je longe la côte sans croiser ni marcheur ni chemin. Le spectacle est donné par des pins, des collinettes écossaises bronzées et des dunes vierges. Tout ce beau monde se jette dans les eaux calmes de la baie. J’ai l’impression d’être le premier homme à passer par là.
C’est fou ce que les paysages et les éléments suscitent. Quand je fais mes premiers pas sur la dune après avoir abandonné mes chaussures, mon coeur s’emballe, il ne me fallait pas plus qu’un gros paquet de sable et un petit bout de désert pour faire ressurgir les deux dernières années de ma vie. Tout le monde est au rendez-vous: visages, odeurs, endroits, histoires. Moi qui voulait voyager lentement, je fais le Lituanie – Mauritanie le plus rapide de l’histoire. Ne jamais sous estimer la puissance du décor.
Vilnius
Si votre chemin vous conduit en Lituanie, passez donc à Vilnius, où décidez même d’y aller, pourquoi pas à deux, ça s’y prête. Vous y trouverez peut être aussi l’animation d’une capitale, au rythme d’une petite ville.
Et puis Vilnius est décalée, c’est une ville qui a le sens de l’humour et dans laquelle un quartier reinvesti par des artistes a placardé sa propre constitution concernant les hommes les chats et les chiens.
Au nord de Vilnius il y a un quartier non assaini avec de vieilles maisons en bois. Certains appellent ça un bidonville, même si l’endroit a des airs de campagne urbaine attrape bobo. Mais ce sont les promoteurs qui ont été les premiers à reinvestir la zone en plantant des gratte-ciels et des centres commerciaux. Au même moment de mystérieux incendies se déclenchaient régulièrement dans le quartier. Depuis la crise et la chute des prix du foncier les chantiers sont arrêtés et il y a moins d’accidents, comme quoi.
Peut être aurez-vous aussi la chance de veiller pendant la nuit de la culture, d’entendre une chorale, de faire quelques mètres et de déambuler dans une vieille église transformée en entrepos par les soviétiques et en installation géante par un collectif d’artistes ou encore d’assister à un spectacle de cirque dans la cour d’un palais truffé de colones romaines.
Wuppertal
Quand je disais à mes autostoppés allemands que j’allais a Wuppertal, ils m’ont tous regardé un peu bizarrement, sous pretexte que c’était pas beau. En fait, j’etais sur les traces de Pina Bauch. Je risquais pas de la rencontrer je sais mais c’était un genre de pelerinage. Et puis c’est bien de se fixer une destination de manière un peu arbitraire, on finit toujours par découvrir quelque chose. Cette fois ci c’était les sculptures de Tony Cragg et la poesie de leurs formes sorties d’un univers minéral lointain ou d’une usine imaginaire.
Le printemps de Leipzig
Un tramway passe, je franchis une porte taguée en face d’un immeuble aux fenêtres murées. Dans le hall pas un pan de mur sans vélo. Ils débordent jusqu’aux premières marches. A chaque palier, deux imposantes doubles portes entre baroque et art nouveau. L’une d’entre elle est celle de mon contact. Les pièces sont grandes et le couloir large. C’est un immeuble entre deux siècles et il flote dans ses volumes le souvenir d’occupants bourgeois. Mais aujourd’hui chaque chambre est remplie d’un charmant bazar de jeunes et d’une grande variété de chaises. Il y a des gens qui passent, l’appart d’à côté et celui d’en dessous, ce sont des copains, il y a juste un mur ou un plafond de séparation parce que c’était foutu comme ça. La porte est ouverte a pas mal de tendresse.
En bas, ça prend un coup sur le grand trotoir devant le mini shop. La moitiée du magasin est occupée par des frigos à bière, l’autre par la file de jeunes qui passent à la caisse. Tout le monde se cause. Des punks gauchistes sont posés devant un local qui crache une musique branchée, même chose en face et plus loin avec une population sapée différement mais du même âge et dont je parie qu’elle a quelque chose à voir avec l’art. On est en mai 2016 à Merseburgerstrasse, Leipzig Ouest.
Je récupère un vélo et pousse jusqu’au parc central, un veritable corridor vert diraient les urbanistes, flanqué en plein centre, comme si il n’y avait jamais eu de pression foncière. Je tombe sur un des plus grand rendez-vous vous gothique d’Europe, tout le monde est déguisé, c’est complètement loufoque pour un parisien et presque normal à Leipzig. Déjanté et bon enfant en même temps. On entend les choeurs de Bach et de la techno minimaliste dans la même journée.
A Leipzig c’est le printemps. Un rennouveau frémissant et alternatif s’est installé dans les restes d’une ville qui n’a pas bien vécu la fin du socialisme. Semblerait pour l’instant qu’il faille mieux être étudiant amateur de nuits blanches que diplômé en quête de job à Leipzig mais reste que ça rebondi, qui sait vers où?