Edgar, vidéo-entrepreneur
J’ai rencontré Edgar à la sortie d’une station service, je levais le pouce et il s’est arrêté, même si on ne visait pas le même endroit. Nos chemins devaient se séparer à Kaunas, je partais vers le sud et lui filait sur la côte. Mais une bonne conversation vaut parfois plus qu’un itinéraire et j’étais partant pour 200 bornes de plus avec Edgar, lancé sur son histoire et sur la Lituanie.
On a roulé jusqu’à Klaipéda, sur la Baltique, Edgar devait rencontrer quelqu’un pour son boulot : installer des caméras dans les salles de classe. Le projet a commencé il y a deux ans, imaginé trois ans plus tôt, avec un copain de l’université, pour trouver une solution à la violence qu’ils avaient vécu étant élèves et que constate encore aujourd’hui sa mère, institutrice. Dans les 12 écoles mises sous surveillance vidéo, la violence a diminué, “Quand ils savent qu’ils sont filmés, les mômes se contrôlent“. Ils ont beaucoup réfléchi avant d’opter pour la solution Big Brother et ils ne font pas forcément l’unanimité dans le primaire. Mais ils se sont lancés et aujourd’hui l’équipe compte 23 personnes. C’est ça son truc à Edgar: piocher dans sa Lituanie quelque chose qui ne tourne pas rond, trouver une idée, y réfléchir nuit et jour avec des compagnons de brainstorm et se lancer. Oser c’est 80% du succès, me dit-il en citant un acteur dont il a oublié le nom. C’est aussi comme ça qu’il compte entreprendre à nouveau aujourd’hui. Cette fois, le constat est qu’en Lituanie les vêtements sont trop chers pour les 600 euros de revenu moyen et que les gens pourraient les dépenser pour des choses plus importantes, “les vêtements aujourd’hui, ça devrait être comme l’eau ou l’air, presque gratuit“. Et pour ça, il compte une fois de plus sur les nouvelles technologie qu’il maitrise. L’idée: développer un programme qui prend les mensurations des gens à partir de n’importe quelle caméra et qui les envoit directement à l’usine pour produire sur mesure. Puisque la coupe est parfaite, pas de possibilité d’échange et des commandes en dix exemplaires pour faire des économies d’échelle. Le but est de tirer les prix du marché vers le bas et de rendre aux gens leur pouvoir d’achat pour des choses plus essentielles. Monter une entreprise de textile c’était aussi l’oeuvre de son père dont il garde un souvenir teinté d’admiration. Les projets d’Edgar sont une combinaison de sensibilité, de pragmatisme et d’une envie de faire qui l’emporte sur les doutes et le qu’en dira-t-on.
Avant de couper le moteur, il m’invite à partager la meilleure soupe qu’il ait avalé en Lituanie dans un restau chinois au premièr étage d’un centre commercial de la banlieue de Klaipeda. Thanks for the ride, vraiment.