Samarcande?
Mon guide de Samarcande est dépassé de neuf siècles. J’en suis resté à Amin Maalouf et sa biographie d’Omar Khayyam l’érudit déambulant au clair de mille et unes lunes dans une cité turquoise et ocre, de coupoles et d’arcs géants, de harems et de caravancérails.
On raconte que le pain dense de Samarcande ne peut cuire qu’ici, que des gens auraient essayer ailleurs en Ouzbekistan avant de se résoudre à le faire amener par la route.
On dit aussi que ce sont les gens de Samarcande qui racontent ça.
Dur de résister à cette envie d’illustrer le mythe, de photographier Samarcande telle qu’on l’a rêvée, de n’immortaliser que le Registon ou le Mausolée de Temerlan, tyran sanguinaire qui suscite aujourd’hui tant de piété. Mais voilà, ces merveilles parfois remises à neuf sont les glorieux intrus d’une ville moyenne assez commune où les vieilles ruelles ont troqué leur cachet d’antan contre un ravalement au béton qui engloutit la froide lumière de l’hiver.
Photo: Tomoya Yamauchi
Pourtant, dans une des maisons grises, des baffles crachent la musique du mariage de je ne sais pas qui auquel nous sommes conviés en approchant. Plov, thé, bientôt vodka, servis par notre incrusteur à qui nous offrons un pretexte d’apéro musclé. Quand on quite la table le froid a disparu. On plane derrière le cortège digne de Kusturiza qui s’embouteille dans la maison de la mariée.
Photo: Tomoya Yamauchi
Après la cérémonie clôturée par ce balayage de visage et se frottement de mains très centre-asiatiques, la grosse Mercedes attend devant la maison ainsi que notre ami plein de vodka, plus loquace que jamais. Nous prenons difficilement congé de cette immersion qui a fait notre journée, avec la conviction que ce sont les hommes plus que les monuments qui pimentent les voyages.
Je me souviendrai surtout des copains de Samarcande, qui vivent comme tout le monde dans des blocs soviétiques: Chokir, gynécologue rapatrié pour un enterrement et ses timides approches, Bek le couchsurfer et ses histoires coréennes pendant qu’on s’envoyait des chachliks (brochettes) avec son cousin.
C’est aussi ici que j’ai souhaité bonne route à Tomoya, camarade de vadrouille depuis la Mongolie qui partait encore une fois s’enfoncer dans ce monde rural qu’il aime tant.