Cache-Kachgar
A l’entrée de la vieille ville, une immense arche en fausse terre annonce une “scenic touristic attraction” et je me vois déjà resortir avec une photo de moi au moment de la grande descente. Mais des gens vivent encore là et ce ne sont pas des figurants. A la terrasse de la “hundred years old tea house” il y a toujours de vieux ouighoures prêts à débatre et le forgeron joue toujours des cuivres pour rythmer la nuit.
Tout juste sorti de la zone balisée, je traverse un terrain nouvellement vague sur lequel devait se dresser un autre quartier d’adobe que les autorités n’ont pas souhaité muséifier. Il en subsiste un dernier bastion qui ne tiendra certainement pas longtemps face aux assauts de la modernité. Désobéissant au panneau du bas de l’escalier, je m’engouffre et découvre les rues rendues impasses par les démolitions, les adresses délabrées et un peu de cette authentique pauvreté que les bobos trouvent photogénique.
Malgré le naufrage, quelques moussaillons tiennent bon: le potier a repris le tour des générations précédentes et le vieux monsieur qui vend des patisseries et des chapeaux est fidèle à son poste sous ses guirlandes. En consciencieux automate, il me fait signe que c’est un yuan, soulève le plastique et me dépose comme un dentiste la sucrerie dans la bouche du bout de sa pince. La photo est comprise, je remets un yuan et repars pour une bouchée.
A l’exception peut être de George Clooney, les villes sont l’inverse des Hommes, elles s’embellissent avec l’âge et ça fait toujours un peu mal au coeur de faire place aux jeunes. Mais on n’arrête pas le progrès.
Au retour de Tashkurgan je repasse à Kachgar dire bonjour à Adje qui m’a déposé en scooter quand je revenais de la périphérie nord ouest, cette charmante banlieue oasienne de petits champs et de vieilles fermes en terre qui elle aussi commence à perdre du terrain.
Aujourd’hui c’est dimanche, premier jour de la semaine et on roule vers le marché aux bestiaux. Adje est chanteur, compositeur, tient un bureau de change, est aspirant polyglotte et trouve que le body language de Shakira est très romantique, il irait bien la chercher aux Etats Unis pour la ramener à Kachgar. Au passage il ira écouter Justin Bieber et manger des Golden Grams, il aime bien la culture occidentale. En attendant on s’envoit de délicieux lagmans tout juste étirés par les beaux gosses du restau. J’ai bien aimé Kachgar.