UB’s roadlag
Au terme d’une très longue journée commencée dans la nuit russe et achevée dans la nuit mongole, me voilà rendu à l’extrémité orientale vers laquelle je roule depuis bientôt 4 mois, Ulaanbaatar vit la dernière demi heure du mercredi 24 aout 2016, sous un froid de gueu, et moi je dois trouver un lit pour aller coucher mon sommeil.
C’est un peu comme si on avait fichu Nouakchott au fond d’une vallée où il fait froid en remplaçant les français par des russes, les khaimas par des yourtes et les mosquées par des karaokés. L’hypercentre est quadrillé par des petits blocs vaguement socialistes et jonché de tours d’inspiration dubayo-mondialisée de l’ére démocratique. Pas un batiment centenaire en vue. La périphérie oppose des champs de yourtes à une prolifération d’immeubles d’une grimpante densité. Lumière nette, air nocif, on ne respire qu’à moitié. La capitale se couche tard mais sans trop de bruit, ce n’est pas si mal, c’est le genre de ville qui demande un peu de patience, mais qu’on doit finir par bien aimer.
“UB” c’est ma première ville asiatique, mon premier Bouddha, le rebond de mon cap et mon 26ème anniversaire. Cet endroit restera d’ailleurs pour mon voyage ce qu’un anniversaire est à une année, rien de si spécial que ça: une pause pour faire des papiers et écrire des articles. La journée j’écris encore sur la Russie, le soir quand je sors m’aérer je ne suis qu’à moitié là parce que le conteur n’a pas été remis à zéro et pour ça je dois terminer d’écrire, ranger mes songes, me mettre à jour, rattraper le présent. Ce qui arrive à un voyageur dépend en grande partie de sa capacité à gérer cette accumulation de souvenirs tout en restant frais et disponible pour l’imprévu, il y a comme un travelflow, une endurance digestive à maîtriser. Pendant cette semaine de réinitialisation, mes rencontres se limitent à la cuisine de l’hostel où se succèdent les voyageurs long courrier revenant ou partant pour les mêmes tours.
A bout des démarches administratives, je passe acheter mon billet de bus pour Morön à la Dragon Station, comme pour conjurer ce roadlag qui colle à cette ville qui reste une étape nécessaire et pas désagréable au final. La Mongolie peut vraiment commencer.