Mistfahan

On raconte que par une magie toute iranienne il suffit de dire où on va à couchsurfing pour recevoir des tonnes de propositions. Je fais donc comme tous les voyageurs et comme eux je reçois en cinq heures environ vingt-quatre propositions de rencontre et d’hébergement. Avant de quitter Téhéran je passe un coup de fil à Reza chez qui je débarque la nuit bien tombée.

Il bosse dans l’optimisation des procesus dans l’agroalimentaire ou un truc qui sonne aussi chiant mais c’est secondaire. Son hobby c’est de sauver les chiens. À Isfahan il en a récupéré deux qui paressent toute la journée sur la moquette de sa piaule. Il m’explique le passé difficile de Shanty qui s’emmerdait chez une vieille et me dit que maintenant ça va mieux: Inca fucks Shanty and she is happy. Il leur donne beaucoup d’amour aussi, ce qui n’est pas commun en Iran où les chiens ont un statut comparable à celui des cochons. In my house in Tehran I have twelve dogs and my friend sixty-eight. Il y a des gens qui ont un don pour l’accueil.


Déterminé à accomplir mon devoir de touriste, je marche sur l’avenue qui traverse la carte du nord au sud à la recherche de cette fameuse place en photo partout mais elle semble ignorée par la trame urbaine moderne.


Quand j’atteins la rivière, pas d’eau, les ponts sont pieds nus, des passants marchent sur le fleuve comme Moïse. Reza raconte que les veilles personnes racontent qu’il y a vingt ans quelqu’un a découvert une carte qui indiquait un trésor sous une des arches du pont principal. La ville s’étant emparé du précieux document aurait décidé de construire un métro pour pouvoir creuser et mettre la main sur le magot. Un barrage aurait alors été construit pour retenir l’eau durant les travaux. Ca fait à peu près 15 ans que le métro est en travaux et seules quelques stations sont reliées, ce qui selon Reza est la preuve irréfutable de l’affaire. Afin de poursuivre l’enquête j’ai interrogé d’autres sources sur le tarissement et conclu qu’il s’agissait d’une vaste carabistouille pour romancer le changement climatique qui assèche le sud de l’Iran et a poussé les autorités à construire un barrage sur le Zayandar.


Poursuivant ma quête archéologique, je fais la connaissance de Mohammad en chuchotant sous le dôme de la sépulture d’un VIPieux multicentenaire. Il a 18 ans et m’accompagne jusqu’à la fameuse place, on échange un peu d’anglais et de Farsi. Il me dit qu’il veut pas encore de copine. When I will be the King of my life I will have a Queen. Quand je reformule correctement ce qu’il me dit il valide avec un ok good, un bon gars.


Je suis retourné à Isfahan avec la bande du poker de Najafabad, à quatre sur la banquette arrière, j’avais vraiment l’impression qu’on allait en ville.


Ali menait le groupe avec sa culture infinie, il éduquait ses copains.




Hossein s’occupait de traduire en américain surjoué avec un talent particulier pour la synthèse et l’interprétation. Après la mosquée du vendredi et ses coupoles pré islamiques, on a mis le cap sur la fameuse place, Naqsh-e -Jahan, en s’avalant deux bons kilomètres de ces galeries infinies truffées d’échoppes qui serpentent dans la ville. Il y en a tellement partout qu’on a toujours l’impression de courir, tout se succède à une vitesse folle dans une obscurité à peine perturbée par les rares faisceaux de lumière percés dans les voutes et les néons blafards. Quand finalement le tunnel aboutit sur la place, une autre dimension s’ouvre, pleine d’espace et de lumière tout ralentit soudain, on rapetisse.



